One shot, l’image en archipel

Variations dans le décor du château de Oiron, les œuvres que présente Pascale Rémita s’appréhendent à la façon de la ballade sensitive, elles procèdent du dépaysement généralisé comme autant de hautes définitions de l’image et de ses matérialités. Ensemble de peintures et d’espaces animés, Champs magnétiques déploie reflets, surfaces et échos, au gré du mouvement et des temps fixes. Dans le contexte du château, l’exposition tient de la séquence en trois salles et d’une focale qui fait défiler silhouettes énigmatiques, territoires désolés, paysages impersonnels ou natures chromatiques.

Suggérant l’idée d’un jeu entre intérieur et extérieur, cette proposition invite aux rapprochements en mettant en balance formes picturales et vidéos de manière inédite au sein de la pratique de Pascale Rémita. Pour l’artiste, le titre Champs magnétiques fait ainsi référence à des zones d’attractions ou d’attirances exercées par ses productions dans cet accrochage composite. Profondeurs, minéralités et transparences se conjuguent à des perspectives qui apparaissent telles des indices, des points d’entrée et des lignes de fuite. Et parce que la peinture et la vidéo développent des stratégies de la représentation, Pascale Rémita en révèle des voisinages au jeu de l’un dans l’autre.

Faire surgir une vague sur un plan en face d’une vignette révélant la paroi d’un avion, donne une impression flottante et créé des réminiscences aériennes dans la luminosité discrète du salon des émigrés. Comme pour la vidéo Infiniment blanc et les aquarelles, l’artiste n’a de cesse de développer les faux-semblants et le renversement de point de vue. Esquisses graphiques et solitaires, les antennes relais renvoient aussi à une projection fictive qui incarne les ondes, le bruit ou le phénomène de captation.

Les avatars et les métaphores d’une esthétique liée à la réception se retrouvent souvent dans le travail de Pascale Rémita, et comme à son habitude, l’allégorie et l’emblématique s’y montrent à des endroits diffus.

Apparitions fugitives et masquées dans la salle d’arme, les Observateurs constituent une série qui occupe une place particulière dans cette production. Témoins fantômes et anonymes, ces Observateurs racontent en silence un rapport lié à l’écran ainsi qu’à l’effet miroir, à la connaissance ainsi qu’à la zone blanche. Héros post modernes, ces figures humaines participent d’un regard posé sur le monde plongé entre réalité et apparences. A ce propos, Marc Augé parlant de la sphère contemporaine pointe ce paradoxe : « ….les paysages dans lesquels nous vivons sont les mêmes que ceux que nous voyons sur les écrans et ils sont eux-mêmes couverts d’écrans. » *

Pascale Rémita reste fidèle à cette idée d’une mise à plat du monde par la peinture. Si elle cite Richter, c’est pour évoquer la collecte des images qu’elle opère sur Internet et qui alimente ses toiles sous le mode de l’atlas improvisé. Montrer leur trajectoire nomade en apportant un soin particulier aux traitements de ces images, est un élément crucial qui participe de la démarche de l’artiste. Dans la salle des combles, le baroque et l’étrangeté passent par des reliefs simplifiés où se dévoilent les trames bucoliques de ces images numériques. Fonds de sous bois ténébreux, ondes aquatiques oscillantes, ces scènes développent une topologie d’un nouveau type dans le parcours de l’exposition : une sensation du temps qui passe et une certaine atmosphère de bout du monde, générées par le triptyque vidéo intitulé Les horizons.

Entre la compilation hybride et une cartographie de clichés, Champs magnétiques tient de l’exploration sensible selon un montage et des résonances floues : un voyage élaboré à destination du visiteur qui tiendrait d’un déplacement mental. Un transit où l’œil serait un cadre physique, et le voyage, un motif.

Frédéric Emprou, 20 décembre 2012

NOTE
* L’art du décalage, in Multitudes Web, juin 2007.